Jan 18, 2024 | Laboratoire fr

Memento vivere est une recherche prospective hybridant la création contemporaine et la recherche en sciences sociales. Elle poursuit nos travaux antérieurs autour du vivant et des vitalités, sous un nouvel angle. Car l’art demeure un outil puissant pour recadrer nos vies, les situer à leur juste mesure dans le temps long de l’humanisation et le grand cycle du vivant.
Il peut nous aider notamment à admettre combien les générations disparues composent notre matrice, combien nous menons toujours notre vie, accompagné par leurs mots et avec leurs outils. C’est ainsi qu’elles nous socialisent et nous humanisent. Il s’agit d’une fonction sociale vivace, c’est à dire agissante dans le monde des vivants. Aucune civilisation n’existerait sans cette transmission des mots et des savoirs, des symboles et des outils.
Rien de nécrophile dans cette recherche mais, à l’heure de l’anthropocène et de l’effondrement des équilibres écosystémiques, la volonté de questionner et recadrer nos vies, de les situer à leur juste mesure dans le temps long de l’humanisation et dans les dynamiques enchevêtrées du vivant.
- Deux oeuvres contemporaines seront inaugurées le jeudi 6 novembre 2025 au cimetière du Petit Sablon sur la commune de La Tronche
- et un cycle de rencontre prendra place au musée de Grenoble le samedi 8 novembre 2025 de 11H à 17H
> Les conversations :au musée de Grenoble
À l’occasion de cette initiative, le LABORATOIRE et le musée de Grenoble proposent un cycle de conversations samedi 8 novembre autour de la place des morts dans le monde des vivants, conversations associant tour à tour des auteur(e)s et des artistes – dont l’œuvre interroge notre condition mortelle, des praticiens – confrontés quotidiennement à la mort ou à son accompagnement, et le public :
- Julia Champey, médecin anesthésiste réanimatrice, responsable de l’antenne grenobloise de la chaire Humanités médicales du GHU psychiatrie – neurosciences / Sorbonne dirigée par Cynthia Fleury
- Rachid Koraichi, plasticien, auteur de Jardin d’Afrique à Zarzis en Tunisie, un cimetière destiné à accueillir les corps anonymes de migrants morts en mer
- Pierre Reboul, écrivain, auteur de Haiku du seuil de la mort et de Petites chroniques d’un carré commun, membre du collectif Morts de rue et personnes isolées de Grenoble pour accompagner les obsèques en Carré commun des SDF et désaffiliés
- Jehanne Roul, maître de conférences en histoire médiévale à l’UCO d’Angers. Ses recherches portent notamment sur Les êtres et leurs restes – ainsi les reliques ou les morts sur les champs de bataille
- Raphaëlle Guidée, professeure de littérature comparée à l’Université Paris 8, travaille sur le deuil, la mémoire et les violences de masse, auteure de La Ville d’après. Detroit, une enquête narrative et de L’Apocalypse, une imagination politique
- Daniel Bougnoux, philosophe, mène actuellement une réflexion sur les formes de vie
- Pascaline Thiolliere, architecte, chercheure sur les espaces de coexistence avec les morts et la spatialité du deuil, au laboratoire Cresson, ENSA Grenoble-UGA
- Jacques Grison, photographe, auteur d’une recherche de longue durée sur les paysages des champs de bataille de Verdun
- Arnaud Petit, interprète, compositeur et chef d’orchestre, auteur d’opéras, d’oratorios et d’œuvres mêlant musique et récit dont Memories autour de la présence des disparus
- Mathilde Béguin, architecte plasticienne et Nicolas Béguin, ébéniste designer, auteur(e)s de La Moire
- Philippe Mouillon, plasticien, à l’initiative de Memento vivere, auteur notamment de Légende(s) composé avec Maryvonne Arnaud dans Sarajevo assiégée
Le musée de Grenoble renoue ainsi avec une longue tradition de l’histoire de l’art, dont ses collections témoignent, depuis les antiquités égyptiennes jusqu’à nos jours.
Avec les soutiens du ministère de la culture (Drac Auvergne Rhône-Alpes), de la région Auvergne Rhône-Alpes – dans le cadre des appels à projets Mémoires du XXI siècle, du Département de l’Isère, de la Ville de La Tronche, de la ville et du musée de Grenoble.
Télécharger le programme > memento_vivere
Fév 19, 2012 | Laboratoire fr
Désireux d’interroger les interférences entre l’identité locale et les imaginaires disséminés sur la planète, Philippe Mouillon propose un relevé scrupuleux des façades de la cathédrale de Grenoble à 150 plasticiens vivant aux quatre coins du monde.
Chacun des artistes est invité à interpréter cette surface originale avec sa propre culture de l’espace, à l’enrichir, la détourner ou la renverser. Cette interprétation est d’emblée incertaine car les artistes associés au projet vivent plus ou moins éloignés du site, dans un paradigme spatial et symbolique parfois radicalement différent de cette cathédrale située en Europe occidentale, ou encore dans une proximité bien réelle mais si évidente qu’elle en demeure non interprétée…
Les 150 œuvres obtenues sont ensuite photographiées puis projetées grandeur nature sur les 600 mètres carrés des façades réelles, très strictement ajustées à la volumétrie de l’édifice.
Cette rencontre entre inscription locale et imaginaires planétaires bouscule nos certitudes.
Nous sommes en 1989, le mot mondialisation n’est pas encore en usage, mais le changement d’échelle de nos repères territoriaux se fait déjà perceptible.


Rissa Ixa

COMMENTAIRES PIERRE GAUDIBERT / PIERRE RESTANY
La planète tout entière, enfin…
Pierre Gaudibert :
« Les Façades Imaginaires se veulent des rencontres urbaines d’imaginaires planétaires ! Sur la façade de l’église Saint-Louis, un monument du XVIIIe siècle situé au cœur de Grenoble, une opération tout à fait singulière va permettre de projeter des œuvres d’une centaine d’artistes contemporains accourus de tous les horizons du globe. Une nouvelle initiative de Laboratoire pour un art novateur d’événements plastiques, urbains et éphémères… »
Pierre Restany :
« Tout est là dans ce titre qui implique la référence fondamentale à l’auto-expressivité de la ville, à son immense potentiel de formes, d’images, de langage et finalement de poésie. Pour moi qui depuis plus de 35 ans me suis attaché passionnément à ce problème de la nature moderne, c’est-à-dire, de la nature urbaine, industrielle, publicitaire et médiatique, une initiative telle que celle-ci ne peut que combler mes vœux. Qu’est-ce qu’une façade ? Les dictionnaires nous disent que c’est avant tout la face antérieure d’un bâtiment : mais à force de montrer tout ce qui est devant, l’imaginaire s’empare très vite du reste de l’intérieur qui devient un dédale sans fin.
La façade est la plus stimulante des apparences. Elle est le tremplin à toutes les fantaisies de l’imaginaire urbain. L’imaginaire urbain est le bien commun à tous les citadins, à chacun d’y trouver sa part et à quelques rares d’y trouver une inspiration plus concrète ou plus originale. »
Pierre Gaudibert :
« Notre époque de crise et de transition incertaine se prépare à un gigantesque croisement d’imaginaires singuliers, un croisement qui permettra tous les dialogues, tous les échanges, puzzles, hybridations, mélanges, syncrétismes, symbioses, synthèses et finalement métissages.
Ces imaginaires ne sont ni collectifs, ni anonymes, ni tribaux ; ils sont l’expression d’individualités créatrices, enracinées ou déracinées, locales ou nomades, identitaires ou métisses, qui font la richesse diversifiée d’un monde en création. »
Pierre Restany :
« Le langage de la nature moderne urbaine a été illustré de façon exemplaire par les nouveaux réalistes européens qui ont su exalter la grande diversité des modes d’appropriation de ce type de réel. Les compressions, les accumulations, les paquets, les décollages d’affiches lacérées sont autant de variations sur l’appropriation de l’imaginaire urbain. Et voilà donc qu’à 30 ans de distance, Philippe Mouillon retrouve cette thématique fondamentale et la remet à jour et à quel moment ? En pleine faillite de la société industrielle, en pleine condition post-moderne ! Le concept de façade imaginaire incarne les possibilités auto-expressives du folklore industriel urbain mais en même temps, il en transcende les apparences formelles au nom de l’homme et de sa fantaisie imaginative. »
Pierre Gaudibert :
« Une partie capitale se joue ici : le double refus de la standardisation des cultures de masse dominantes et de la norme d’un «art international» uniforme, insipide et monotone. Le métissage n’est pas obligatoirement l’effacement des différences, mais peut devenir la création de nouvelles identités plurielles, un enrichissement de chaque individu et de chaque peuple. Il annonce le déclin de l’européocentrisme.
Le patrimoine artistique mondial en devenir, celui de demain, naîtra de telles rencontres qui iront en se multipliant. La planète tout entière, enfin… »
Télécharger cet entretien entre Pierre Gaudibert et Pierre Restany