Memento memori est une étude prospective, actuellement en cours de développement, qui deviendra publique dans quelques mois, notamment au musée de Grenoble, sous une forme hybridant la création contemporaine et la recherche en sciences sociales.

Elle poursuit nos travaux antérieurs autour du vivant et des vitalités, sous un nouvel angle. Car l’art demeure un outil puissant pour recadrer nos vies, les situer à leur juste mesure dans le temps long de l’humanisation et le grand cycle du vivant. Il peut nous aider notamment à admettre combien les morts nous aident à vivre, combien nous menons toujours notre vie accompagné par leurs mots et avec leurs outils. C’est ainsi qu’ils nous socialisent et nous humanisent car ils forment cet humus, ce fonds dont l’étymologie est commune aux mots humain, humanité, inhumé et humilité, c’est à dire notre terreau nourricier, notre matrice – une fonction sociale vivace, c’est à dire agissante dans le monde des vivants. Aucune civilisation n’existerait sans cette transmission des mots et des savoirs, des symboles et des outils.

Or ils sont l’objet aujourd’hui d’une errance mémorielle qui découle logiquement de l’affaiblissement de l’armature symbolique proposée ou imposée par les églises durant des siècles. Mais ce repli des ritualisations et des récits antérieurs dénude autant qu’il libère. Car il implique d’assumer seul, de bricoler par soi-même de nouvelles pratiques mémorielles. Tout comme il exige de nouvelles réponses sociétales qui demeurent actuellement de médiocres ravaudages. La société se prive de l’épaisseur temporelle des urbanités passées, incapable de les percevoir sous un autre angle que celui d’un patrimoine matériel éteint. Ni matière inerte manipulable sans scrupule, ni relique intouchable, il s’agit pourtant de l’humus d’une terre vivante.