La programmation de la saison 02 de paysage>paysages est conçue avec une attention soutenue à l’enchevêtrement des mouvements qui trament les paysages et tendent le cours du monde. Elle s’intitule « paysage en mouvements » car les paysages fixes, stables, arrêtés n’existent pas. Le sédentaire et le définitif ne sont que des illusions d’optique ou de perception. Tout dans le paysage remue, tangue, chaloupe, bouscule, migre et se déplace….

Les paysages sont parcourus de vastes mouvements imperceptibles – la dérive des étoiles, la fonte des glaciers ou la migration silencieuse des plantes et des forêts testant sans cesse les sols, les vents dominants et les expositions. Les paysages sont aussi témoins des migrations et transhumances qui caractérisent l’ensemble du règne animal, de l’hirondelle à l’anguille, une formidable pulsion qui déplace le vivant à la surface du globe sans boussoles ou système de géolocalisation embarqué. Chacun de ces étonnants voyageurs emporte au long cours des fientes gorgées de graines, des bactéries exogènes et des mélopées renouvelées qui refondent les écosystèmes et nos imaginaires. Les dynamiques du paysage sont encore constituées d’accélérations inattendues : avalanche, tonnerre ou tempête. Le paysage reprend alors toute sa place, une sauvagerie abrupte qui nous déborde et s’impose au-delà du temps de l’espèce humaine.

Mais les paysages sont surtout reconfigurés par les activités et les circulations humaines. Notre expérience quotidienne du paysage ne consiste que rarement à le contempler assis sur un banc, mais plus fréquemment à le traverser distraitement assis à 130 km/h. Aussi, à contrario de l’itinéraire trop bien tracé de la route principale nous projetant au plus vite vers une destination déterminée, cette saison 02 de paysage>paysage vous propose de cheminer disponible au hasard et à l’inattendu, attentif à toutes les rencontres, de déguster le temps qui passe, le temps qui change, d’oublier les certitudes ou les inquiétudes pour laisser la part belle à l’échappée.

En voici les principaux temps forts :

 

> Le paysage fait son cinéma,

  • Un film de films conçu par Agnès Bruckert accompagné d’un concert instantané en direct avec Actuel Remix (Xavier Garcia et Guy Villerd) 
  • Esplanade de la caserne de Bonne à Grenoble, le 21 décembre de 17 h à 21h
  • (Reprise durant le cycle Ça remue à l’auditorium du musée de Grenoble les 2, 3 et 4 mars 2018 de 10 à 18H, sans interruption)

en savoir plus : https://youtu.be/V4j-D6xYr_Y

En circulant grâce au doigté d’Agnès Bruckert parmi les cinéastes les plus virtuoses du cinéma mondial, nous découvrons combien chaque film enchevêtre intimement en un espace commun les personnages au premier plan et le fond où semble s’ancrer le récit. De plan large en faux raccords, les paysages façonnent nos perceptions, préparent et anticipent l’action, la débordent parfois pour envahir l’écran, rompre avec le fil de la narration, avaler les personnages et nous désorienter.

Bas quartiers sordides ou somptueux panoramiques, de nombreux paysages ont laissé en nous une empreinte qui structure profondément notre sensibilité et notre identité. C’est cette identification paradoxale à une fiction totalement mouvante qu’amplifie le duo de l’ARFI « Actuel Remix » en accompagnant le flux d’images, le ponctuant de paysages sonores instantanés.

 

> Atlas des déplacements,

  • Une exposition conçue par Guillaume Monsaingeon avec les œuvres de Cécile Beau, Christo, Nicolas Consuegra, Fernand Deligny, Caroline Duchatelet, Cédrick Eymenier, Ymane Fakhir, Christoph Fink, Eléonor Gilbert, Chris Kenny, Lucien Le Saint, Francis Limérat, Hans Op de Beeck, Quadrature (Juliane Götz + Sébastian Neitsch), Claire Renier.
  • Musée Hébert du 21 décembre au 21 mars 2018

Cette exposition assemble nos perceptions et nos outils de figuration du territoire. Les œuvres réunies dans l’Atlas des mouvements enregistrent le paysage avec des échelles situées entre 0 et 30 000 km/h, les mouvements lents, presque immobiles, imperceptibles du géologique ou du climatique, nos mouvements sociaux saccadés, nos errances et nos incertitudes, nos mouvements réguliers ou habituels, les déplacements des êtres animés et la mécanique de machines devenues essentielles à la maîtrise de nos propres mouvements et à la connaissance des territoires.

  • Quadrature (Juliane Götz et Sebastian Neitsch). Satelliten trace en temps réel la trajectoire des satellites passant à la verticale du musée Hébert. Au cours de sa visite, le visiteur d’Atlas des déplacements pourra ainsi voir plusieurs fois le dispositif numérique s’animer pour révéler un paysage agité par la course des satellites. Le carré de 10 centimètres de côté (300 kilomètres) noircira progressivement la carte hypsométrique (des altitudes) d’un atlas Quillet au fil des trois mois d’exposition.

 

  • Caroline Duchatelet : Mercredi 4 novembre (2009). Durant 9 minutes, Caroline filme un paysage de montagne en hiver, où les nuages et la lumière recomposent et effacent l’apparente stabilité de la masse rocheuse. Ce paysage saisi un 4 novembre est à la fois éternel et instantané, présent et absent, déjà là depuis un million d’années et pourtant disparu en quelques secondes.

 

  • Cécile Beau (France, 1978). Chaque pierre constituant la série Particules est présentée sous une double forme : le minéral intact disposé au mur, et la pierre réduite en sable alimentant un sablier dont la taille correspond à son échelle de temps géologique. L’installation exprime les temporalités imperceptibles des minéraux, qui oeuvrent discrètement sous le paysage visible.

 

  • Nicolás Consuegra (Colombie, 1976). Tourné sur des sites différents à Honda, en Colombie, au bord du fleuve Magdalena, L’eau que vous touchez est la fin de ce qui est passé et le début de ce qui arrive (2013) donne à voir la continuité d’un fleuve qui coule sans fin et sans raccord. L’immobilité du mouvement s’exprime dans le calme d’une boucle infinie.

 

  • Francis Limérat (1946, Alger) Le poète Kenneth White, grande figure du cheminement, écrit à propos de cette série des « claires-voies » : L’art de Limérat est un tâtonnement inquiet qui, petit à petit, lentement, trouve des coordonnées satisfaisantes ; c’est un enchevêtrement complexe dans lequel, grâce à une écriture erratique, mais sensible, subtile, on finit par voir clair, par se fixer des repères. Comme avec les « cartes en bâtonnet » des Iles Marshall, avec lesquels les pilotes de pirogues retrouvent dans les eaux du Pacifique la meilleure trajectoire d’une île à l’autre en fonction de l’orientation de la crête des vagues, notre regard ici chemine en équilibre sur le fil de l’imperceptible.

 

  • Fernand Deligny (France, 1913-1996) n’est pas à proprement parler « auteur » des présents dessins. Fondateur en 1968 d’un réseau de prise en charge d’enfants autistes dans les Cévennes, il y a inventé des pratiques cartographiques collectives qui ont fasciné Deleuze et Guattari et irrigué d’innombrables pratiques artistiques. Ces cartes ne servent ni à comprendre ni à interpréter les comportements des enfants, mais à conserver la trace de ces lignes et détours souvent effectués sans but. Remède à l’impossibilité de dire ou au refus de nommer, ces dessins constituent une sorte d’atlas des mouvements imprévisibles et des modes d’être singuliers : « nous vivons dans le temps, écrivait Deligny. Ils vivent dans l’espace, voient ce qui ne nous regarde pas ».

 

  • Éléonore Gilbert (France). « Espace » est un film de 14 minutes (2014) où, à l’aide d’un croquis, une petite fille très drôle explique, dessin à l’appui, comment l’espace et les jeux se répartissent lors de la récréation, en particulier entre les garçons et les filles, et en quoi cela lui pose un problème au quotidien. Malgré ses différentes tentatives pour régler ce problème, elle ne trouve pas de solutions, ceci d’autant plus qu’il passe inaperçu pour les autres, enfants comme adultes, qui ne semblent pas être concernés. On découvre alors les subtilités d’une géopolitique de l’espace public à l’échelle d’une cour d’école.

 

  • Hans Op De Beeck (Belgique, 1969) aborde dans Staging Silence le paysage avec humour, produisant des images de paysages comme autant d’archétypes suspendus dans nos mémoires. Derrière une mise en scène implacable et clinique, il assemble des objets éclectiques et dérisoires – du sucre en poudre ou des bulles de savon, pour recréer des images flottantes, des lieux incertains, mélancoliques et poétiques situés entre le décor de films oubliés et l’iconographie du restaurant asiatique du coin de la rue.

Lire aussi : « Art catalyse »

Lire aussi : « mythologies du paysage »

> Graphies du déplacement

  • Une exposition de Mathias Poisson
  • Le VOG -centre d’art de Fontaine, du 7 décembre au 31 mars 2018.

Les cartes subjectives de Mathias Poisson sont des réductions du paysage par décoction. Il note ses promenades à vif sur ses carnets, attentif au moindre événement mais en cultivant une absence délibérée de hiérarchies entre les informations qu’il consigne. Puis il distille et infuse les objets et les plantes rencontrées afin d’en extraire les encres de ses dessins. Il compose alors une carte sensible, sorte de condensé du lieu qui invite à lui emboîter le pas. Il présente ici une suite de traversées du paysage à travers des villes aussi différentes que Marseille, Tokyo, Naples, Alger ou Istanbul, puis lors d’une seconde exposition il nous fera découvrir les travaux originaux réalisés durant 5 séjours en Isère.  

Lire aussi : « paysages de traverse »

> Montagne défaite

  • Une exposition de Olivier de Sepibus
  • Jardin du Musée de l’Ancien Évêché de Grenoble, du 21 décembre au 21 mars 2018

Olivier de Sépibus arpente les Alpes pour saisir les mouvements intérieurs des glaciers et des roches, les failles, les brèches, les fractures, les lentes dislocations, les ruptures vives et les éboulements. La masse d’apparence éternelle apparaît ici étrangement fragile et tourmentée, et sa présence solide semble appartenir à une étape provisoire de l’histoire terrestre.Ses photographies actualisent notre imaginaire de la haute montagne en fixant frontalement l’état actuel de massifs alpins qui se défont lentement en désert de pierre, entraînant avec eux les rêves de conquête et d’héroïsme d’un homme « maître et possesseur de la nature« . Car, si nos représentations sont défaillantes, elles peuplent toujours les présentoirs à cartes postales.

 Lire aussi : « Les images (im)mobiles d’Olivier de Sepibus »

> Paysages amplifiés

  • Une expérience conçue par le compositeur Henry Torgue à l’initiative du CAUE de l’Isère
  • Vendredi 12 janvier 2018 : parcours en car de 14 h à 16 h. Accueil à 13 h 45 à la Maison du Territoire de la Porte des Alpes – 18 avenue Frédéric Dard à Bourgoin-Jallieu.
  • Vendredi 2 février 2018 : parcours en car de 14 h à 16 h. Accueil à 13 h 45 à INSPIRA à Salaise sur Sanne.
  • Samedi 3 février 2018, parcours en car de 10 h à 12 h. Accueil à 9 h 45 au CAUE de l’Isère – 22 rue Hébert à Grenoble. Au retour, collation (sur inscription) en transition avec la table ronde de l’après-midi.

 

Ces paysages sur écoute prennent la forme d’un parcours en autocar…. Pour les passagers, derrière les vitres du bus, défilent les images passives d’un trajet habituel. Mais dans les haut-parleurs, tout un monde de sons vient raconter d’autres histoires, transformer le paysage quotidien en décor, bouleverser l’imagination.

Ce décalage entre l’écoute et le regard permet de renouveler les lectures et les perceptions de nos paysages familiers. En augmentant légèrement l’intensité des sons ambiants ou en faisant écouter d’autres situations sonores enregistrées dans le même espace, la scène devient « parlante », prend un relief inattendu qui révèle les relations complexes entre la vue et l’ouïe et, d’autre part, entre le réel et l’imaginaire. Car l’écoute amplifiée se rapproche d’une bande-son de film, donnant accès au potentiel symbolique des lieux, porteurs de fictions, de mémoires et de rêves.

Les trois parcours en bus de « paysages sur écoute » sont accompagnés par le chercheur et compositeur Henry Torgue et les paysagistes du Conseil d’Architecture d’Urbanisme et de l’Environnement de l’Isère.

 

> ARRÊTS SUR Image

  • Une expérience conçue par la compagnie de rue Delices DADA, proposée successivement dans 4 sites du département : Bourg d’Oisans, le Vercors, l’Isle d’Abeau et le territoire de Vienne, avec chaque fois 4 départs de bus par jour.

Durant 120 minutes vous êtes invité à visiter avec la compagnie Delices DADA les hauts lieux ordinaires de votre vie quotidienne. Confortablement assis en autobus vous laissez glisser le travelling du panorama au travers des vitres.

Mais quatre arrêts dans des paysages choisis méticuleusement par la compagnie bouleversent votre perception. Ces arrêts sur image proposent de prendre le paysage à rebrousse-poil, de l’interpréter de manière totalement inconnue, déjantée et poétique mais si stimulante que dès le retour de l’autocar au point de départ, on se découvre l’envie de repartir pour une nouvelle boucle à déguster …. En voici quelques cartes postales visuelles :

et 2 paysages à deviner en écoutant ces ponctuations sonores :

 

Mode d’emploi :
> 4 départs de bus par jour à 10H, 11H, 13H et 14H (Durée du circuit > environ 120 minutes)

  • le 20 Janvier 2018> départs des bus du Bourg d’Oisans / Foyer municipal du Bourg d’Oisans
  • le 27 janvier 2018> départs des bus de Lans en Vercors / Le Cairn / 180 Rue des Écoles
  • le 10 février 2018> départs des bus de Villefontaine / Parking du théâtre du Vellein / 118 Avenue du Drieve
  • le 10 mars 2018> départs des bus de Vienne / Collège Ponsard / 1 Place André Rivoire

> Lieux-dits, un précipité de vies

  • Une exposition conçue par Philippe Mouillon avec la collaboration de Jeanine Médélice
  • Musée de Grenoble, du 8 février au 11 mars 2018

 

Les quelques centaines de mots déposés au sol de l’allée centrale du musée de Grenoble sont un condensé des milliers de noms de lieux-dits qui titrent – ou plutôt sous-titrent, avec soin le paysage.Ces fragments sont tenaces – certains mots plongent leurs racines dans un temps antérieur à l’occupation romaine, et ont été si souvent mastiqués et prononcés par des bouches nouvelles que leurs sens aujourd’hui affleurent mais ne cessent de se troubler et de nous échapper : Vipéreuse, Miséroud, Mal-Pourchie, Les Écondues, Les Écorrées, Les Embouffus… car le mot est là, sans y être. Il appartient à une langue, fantôme de la nôtre.

lieux-dits, un précipité

 

> Feu l’hiver !

  • Installation de la compagnie Carabosse
  • Jardin de ville et alentours,
  • Soirée de clôture > 16 mars 2018, de 19 à 22h

 

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